Visite chez Cantillon

Visite du musée de l'irréductible brasserie traditionnelle

Quizz

Vous pouvez répéter la question ?

Climat vs Lambic

Les enjeux de la fermentation spontanée avec les changements climatiques

Ce dossier a été réalisé dans le cadre du cours de Zythologie
à l'Espace Formations de Pont-à-Celles pour l'année académique 2022-2023

Limites

Cette présentation n’a pas pour vocation d’être exhaustive. Rien que la fermentation spontanée est un sujet passionnant qui ne peut être résumé en 15 minutes. Dès lors, je ne m’attarderai pas sur les AOP, label bio, bilan carbone, etc. afin d’éviter de dire des bêtises et surtout garder le timing. Des ressources seront mises à disposition à la suite de ce document pour approfondir les sujets qui vous intéresse.

Visite du Musée bruxellois de la gueuze chez Cantillon

Je voulais aller au plus proche du procédé de fabrication. Quoi de mieux que de visiter une brasserie sinon LA brasserie traditionnelle par excellence : Cantillon ?

Une visite d’une heure et demie pouvant se faire en 3 langues avec à la clé une dégustation de trois produits. Évidemment, pour préserver la planète, profitez de votre visite pour faire le plein. J’ai également échangé avec Jean-Pierre Van Roy[1]

Cantillon existe depuis 1900. C’est d’abord une gueuzerie, endroit où l’on assemble les lambics. On commence à brasser dans les années 30. Après la 2ème guerre mondiale, une première globalisation et l’arrivée du sucre en masse standardisent les gouts laissant le lambic et ses dérivés sur la touche.

Jusqu’à maintenant, la production n’excèdera pas les 2800 hl par an. Les espaces de stockage ne permettent pas de faire plus. Une goutte d’eau dans un océan de bière. Le volume annuel mondial s’élevait à 1,86 million d’hectolitre en 2021[2]. Les 3 grands groupes représentent plus de 500 brasseries pour l’équivalent de la moitié du volume écoulés et les ¾ de la valeur du marché mondial.[3].

Le musée bruxellois de la gueuze fête ses 40 ans en 2023. Ce dernier a sauvé à la fois l’entreprise et la santé de Jean-Pierre Van Roy. Jean-Pierre représente la 3ème génération. Il a repris l’entreprise en 1969 alors que son beau-père pensait fermer à cause de la conjoncture évoquée plus haut. Actuellement, c’est la 4ème génération qui a pris la main : son fils et ses deux filles.

Le bâtiment de la brasserie a été une contrainte, d’habitude, c’est l’inverse, les outils définiront la structure du bâtiment. Si vous avez l’habitude de visiter des brasseries, vous serez sans doute étonné de la configuration.

Les outils sont dans leur jus. la cuve date du XIXème Siècle (mécanisée dans les années 30). Le remplacement du matériel ou la rénovation est critique car les levures sauvages sont partout. C’est une chouette excuse pour ne pas nettoyer[4]

Climat vs Lambic

Comment réduire l’impact environnemental de la fermentation spontanée ?

Vous avez 15 minutes…

Prenons d’abord acte que l’industrie brassicole, comme toutes les autres, n’a pas intérêt à subir les changements climatiques peu importe quand et où. De plus la fermentation spontanée, de par son procédé, est plus sensible aux variations de température.

il est à noter que la fermentation spontanée, parce qu’elle est une approche plus naturelle, moins contrôlée, plus lente, etc. est déjà plus respectueuse de l’environnement. Néanmoins, en tant que brasseur, il est possible d’agir sur les points suivants.

Matières premières

On connait les ingrédients pour faire de la bière. Ce sont les mêmes pour le lambic : eau, céréales (maltées ou non), houblons, levures (sauvages), fruits.

L’eau

Si vous n’avez pas votre propre point de captage, la dépendance à votre intercommunale est inévitable. Dans le cas de Vivaqua, l’eau peut parcourir jusqu’à 100km, on a connu plus local. L’enjeu sur l’eau réside surtout sur sa consommation. L’eau n’est pas seulement un ingrédient, on l’utilise pour rincer, nettoyer, etc.

Céréales, houblons et fruits

Privilégier l’agriculture biologique plus respectueuse de l’environnement permet de limiter la production de gaz à effet de serre tout comme favoriser les produits locaux. Une combinaison de ces deux facteurs permet d’optimiser son empreinte.

L’utilisation de certains ingrédients doit se faire au bon moment. L’assemblage des lambics contenant des  fruits devra se faire pendant la saison où les fruits sont localement disponibles. Ça semble de bon aloi. Économiquement, avoir des fruits frais de saison est plus abordable. On ne parle pas des ingrédients congelés, cela suppose de mettre en place des système extrêmement énergivore en plus de réduire la qualité du produit final.

Céréales non maltés

Le maltage est très énergivore. Mettre des céréales crues est donc une belle manière de diminuer l’utilisation d’énergie pour ses céréales.[5] Pour qu’on l’appelle lambic, la proportion de céréales non maltée doit être de 35%. Ce n’est pas la seule contrainte, mais ça rend le lambic plus écologique. 

Levures sauvages[6]

Elles sont là, elles sont partout, dans l’air, dans le bois, dans les briques, dans les outils, etc. Bien connaitre les levures sauvages présentes, leurs besoins, leurs faiblesses est primordial. La fermentation spontanée est possible en dehors du Pajottenland, cependant, il faut au préalable bien se renseigner sur les forces en présences. Si certaines vont juste rendre la bière immonde, d’autres peuvent mettre en difficulté votre état physique. 

Brassage

Isoler l’installation

Isoler son installation permet d’augmenter l’efficacité énergétique de l’installation en réduisant la consommation d’énergie.

Produire son énergie

Des panneaux photovoltaïques, une éolienne verticale ou horizontale, un barrage hydraulique, une petit réacteur modulaire, etc. Les solutions ne manquent pas pour produire sa propre énergie tout en limitant la production de gaz à effet de serre.


Récupérer, valoriser les déchets

Dans l’industrie, est considéré comme déchet tout élément dont la valeur commerciale est nulle. Penser à valoriser ces éléments est donc un moyen de réduire son impact tout en augmentant l’efficacité de votre activité. Valoriser les drèches de brassage, récupérer l’eau d’évaporation, etc.

La récupération de fûts permet également de réduire son impact tout en apportant des qualités supplémentaires aux lambics.

La récupération de bouteilles jadis, un fait amusant

La récupération ne date pas d’hier même si c’était à but économique avant d’être écologique.

L'utilisation de bouteille de champagne remonte à une période (1875) où les brasseurs de lambic s'étaient fait une spécialité de récupérer les bouteilles vides et non consignées aux abords de grands restaurants et autres établissements consommant du champagne. [7]

Si le lambic a pour surnom « Champagne Bruxellois » ou encore « Champagne du pauvre », c’est pour ses similitudes conceptuelles, visuelles et gustatives avec le Champagne et peut-être aussi pour sa récupération de bouteille dès lors.

Refroidir naturellement son moût

Le bac de refroidissement ou « Coolship » permet de refroidir naturellement le moût. La fermentation spontanée a besoin de cela pour permettre aux levures sauvages de le fermenter. Comme on dit dans la langue de Shakespear : Ecologic by design

Conception de l’installation

Amortir au maximum son installation est à la fois économique et écologique.

Chez Cantillon, il y a très longtemps, le matériel a été récupéré (racheter) chez des brasseurs qui arrêtaient leurs activités. Ils ont mécanisés la cuve plutôt que de la remplacer.

De plus, à cause de la présence des levures sauvages, le remplacement du matériel n’est pas quelque chose de souhaitable. La rénovation du bâti est très complexe pour ne pas affecter l’installation et les levures. Un déménagement est clairement impensable pour Cantillon.

Il est donc important de penser son installation avec les qualité suivantes :

Logistique

Si vous avez déjà entrepris les points précédents, il ne serait pas étonnant que d’un point de vue logistique, votre affaire soit plutôt efficace.

Un bon contrôle de la filière dans son ensemble permet d’augmenter l’efficacité. Réduire les intermédiaires est essentiel pour augmenter son contrôle.

La  gueuzerie Cantillon ne brassait pas et donc l’influence sur le brasseur était limitée. Dès lors pas étonnant de vouloir s’émanciper.  À l’inverse, la brasserie de la Taupe (ancêtre de Timmermans) n’était pas qu’une brasserie, c’était une ferme, une malterie, un verger et un café. La filière est gérée depuis la production de matières premières à la consommation.

À l’avenir, il ne serait pas étonnant de (re)voir fleurir des coopératives ou d’autres formes de synergies[8]

Politique commerciale

Si Cantillon était en difficultés dans la décennie 1960, le musée et l’exportation a permis de préserver l’activité. 70% du volume part à l’étranger. Dans un monde où 24%[9] des émissions de CO2 sont dues au secteur du transport, il faut réagir :

De grands dilemmes pour nous autres amateurs : Devons-nous nous déplacer jusqu’au Canada pour y déguster leurs spécialités ou est-il préférable de se rendre chez notre caviste qui les auras dans son stock ?[10]

Pour favoriser l’émergence de brasseries locales, l’entreprise devra :

Évidemment, c’est difficile à concevoir dans un monde capitaliste où un procès peut vous tomber dessus à cause du socle en bois de votre verre.

Le consommateur

Le consomm-acteur, comme on aime à le nommer ainsi depuis quelques années, a son rôle à jouer. Un rôle qui peut varier en fonction de votre degré de culot :

Conclusion

La fermentation spontanée par concept est la forme de fermentation la plus naturelle. Elle est donc plus écologique mais plus lente (et alors ?). Ça ne nous empêche pas de faire encore mieux en utilisant nos connaissances pour limiter l’impact de nos activités et garantir que les générations futures pourront apprécier ce que nous leur transmettons.

La fermentation spontanée est également un sujet passionnant. Durant cette aventure rédactionnelle et gustative, l’auteur de ce document s’est d’ailleurs dit plusieurs fois que c’était dommage d’avoir vécu en plein milieu du Pajottenland pendant plus de 20 ans pour n’en avoir profité que très peu.

Si le lambic est une chasse gardée de la vallée de la Senne, la fermentation spontanée est un style (ré)émergeant que beaucoup de brasseurs essaient aux quatre coins du monde.

La fermentation spontanée est la première forme de fermentation et sera sans doute la dernière en cas d’apocalypse. Peut-être que le lambic et la fermentation spontanée du bassin de Charleroi seront les dernières choses auxquelles nous auront accès.

Dès lors, qu’attendez-vous pour vous y habituer ? Santé[12] !

Références

30mn with spontaneous beer makers — Pierre leJeune

Conférence «  les mystères de la fermentation spontanée », Planète bière — Paris 2019 

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